en mode palmarès,
j’ai distribué des feuilles d’or tout le week end,
aux sirènes de mariage,
aux quarante ans d’eric,
à la terre fraîchement battue et à l’athletico
j’étais pour le club de pauvres,
pour les tirs au but à la godard
quand j’ai vu ronaldo marquer le penalty et enlever son maillot,
je me suis dit,
c’est dans son contrat,
il touche 300 000 pour ça
une mélancolie infinie est tombée dans ma vodka,
j’ai tourné les talons façon fille des rues désabusée
en lune décroissante,
tout tournait autour du gris et de ses nuances
les plaquettes de chocolat,
les victoires,
les défaites,
les roulages de pelles,
les élections à un seul tour,
les tweets pas drôles,
les cartes de france,
je prends tout en sens inverse,
ambiance fin de siècle,
perte, déclin, repli
c’est l’histoire d’une fille qui aime un garçon à qui elle dit quitte moi
tous les jours que dieu fait,
jamais avec les mêmes mots,
elle a toujours un argument qui met le grand ver dans le fruit
c’est un homme du vingt-et-unième siècle avec une immense douceur à l’intérieur de lui
et des murs de vinyles dans sa chambre à coucher
qui s’en est pris plein la gueule,
avec une zoulette hybride,
capable du pire comme du meilleur,
une racaille, une crise turque à elle toute seule
comme tout le monde,
j’ai les défauts de mes qualités,
je voulais mettre de la poésie partout,
créer des événements,
jouer les situationnistes,
j’ai tout pris à contre pied,
comme un concert raté,
un morceau mal terminé jeté dans la fosse aux charts
je me rêvais aventurière,
je suis restée pétrifiée au pied d’un vertige
ça a duré six mois,
ça aurait du durer dix ans,
je l’appelais mon cdi,
je le voulais en patron,
en darron,
en cochon permanent
je ne pourrais jamais dire :
je ne savais pas ce qui allait arriver
détruire ce qu’on a de plus précieux,
ça c’est le fail total
comme un groupe qui se sépare en pleine gloire,
un immense désenchantement s’est abattu sur ce samedi de pré catastrophe nationale
entre l’espoir et le renoncement,
je cherche la définition de la tristesse
ça ne changera rien à cette histoire qui se termine
“nul ne devrait voir la vie de l’extérieur”
c’est Grondhal, le danois, qui écrit ça dans Les Complémentaires
moi là après des jours d’alternance de nuages sans éclaircie,
j’ai encore envie de virer le scénariste du film de ma vie
en mode passion triste
j’ai relu ses textos pour les prendre en photo,
ça disait :
“avant que ma batterie s’éteigne, j’ai envie de danser avec toi
/ je pense à tes fesses /
/ iii /
/ bon c’est mort pour bip cet été mais bip doit me dire des choses tu m’aimes toujours ? /
bonjour on est à 50km de paris, j’ai un peu mal aux yeux /
/ je vais prendre le taxi pour passer te prendre et filer à l’aéroport /
/ wake up my love i m on my way /
/ tu dormiras sur moi dans l’avion /
/ c’est plein pour l’instant /
y font pas à emporter”
ce fut le dernier sms
j’avais la poitrine coupée en deux
j’ai pris un quart de lexo
voilà c’est fini
on s’est quitté sur le canal,
entre deux pots d’échappement
j’avais acheté une salade de quinoa japonais
je la terminerai jamais
il faisait beau,
il avait les cheveux trop longs,
de petits yeux,
il a dit oui à tout,
oui on devrait arrêter,
oui je suis pas prêt,
oui t’es trop dure,
c’était peut-être pas une bonne idée tout ça,
il a dit j’ai changé et pas toi,
tu m’écrases,
on s’aide pas
le petit sucre à l’intérieur de moi s’est désintégré gentiment
le fantôme a mangé tout l’espace
autour de nous il n’y avait que des moches, au secours
il a voulu me prendre dans ses bras,
j’ai dit non là je peux pas,
il est parti à droite
j’ai tourné à gauche,
j’ai checké 500 fois mes likes,
mis à jour,
redémarrer,
annulé des rendez-vous,
appuyé sur play,
fermer des onglets,
reçu un mail hadopi,
chercher des connexions,
rafraîchit ma boîte
et fumer 1500 clops grecques en un samedi.
et puis il a plu sur mon bureau
dès que la tristesse revenait,
je faisais la revue des forces en présence
il en manquera toujours un
cuite 1 stakling intense
cuite 2 blocage de compte
en mode robot,
branchée sur netflix,
j’ai laissé passer des nuits sans sommeil,
j’ai tout vu,
d’elia kazan à eddy murphy,
de bruno dumont à napoléon dynamite
sa voix est passée à la radio
j’ai repensé à nos baisers cachés,
aux hashtags,
à drunk in love,
à lagos,
à kamilari
j’ai réussi mon coup,
gagné l’inverse du soulagement,
ambiance bien nulle part,
ni avec toi,
ni sans toi
je me voyais chanteuse de stade,
rodée au live,
j’ai viré vieille rombière de cabaret,
en mode milf 2014
après ça, j’ai tout entendu :
c’est peut être pas fini,
évite facebook,
sors,
vois des gens,
pense à toi,
mange bien,
tape toi un autre mec direct,
fais du sport,
vous vous êtes séparés au meilleur moment,
c’est l’été,
tu as besoin d’un break,
branche toi sur tinder
on a parlé post colonialisme,
kim kardashian,
xavier dolan,
YG,
immobilier dans le perche,
sm yogi,
euro dance music,
réseau social version front national
c’était pas joli joli tout ça
en mode abstentionniste
je ne suis pas allée voter (désolée)
parce que non cette fois ils ne m’auront pas
j’ai lu que j’étais responsable de tout,
du premier parti de france,
de la xénophobie ambiante,
de la haine de l’autre qui s’insinue partout
vouloir tout faire exploser
j’aimerais dire adieu au langage,
ne pas infliger de douleur
je me suis transformée en mutante sentimentale
l’amour c’est stimuler et apaiser
mais c’est quoi la tristesse contemporaine ?
ça n’existe pas la tristesse contemporaine
comme l’a dit king dans un mail
tout ça c’est un truc inventé par des cyniques
il n’y a pas de tristesse contemporaine
il y a une tristesse infinie qui n’en finit pas de se raviver
ma pote mystique m’a écrit :
“il n’y a que la tristesse depuis la nuit des temps
tu es triste donc t’es la plus forte en fait
parce que tu contactes l’humanité”
Alain Guiraudie lui il dit ne laissons pas le sexe au porno
alors ne laissons pas la tristesse aux larmes
poursuivons le chemin
même à découvert
il faut tout donner
se livrer,
se déshabiller
29
Mai